Les enfants ne peuvent être complètement déshérités par leurs parents puisque, héritiers réservataires, ils conservent obligatoirement une partie de la succession. Une réserve dont l’importance varie selon le nombre d’enfants. Seule peut être léguée la quotité disponible c’est à dire la partie restante. Est également prohibé (article 1130 du Code civil) le pacte sur succession future. On ne peut donc renoncer par avance à une succession non encore ouverte, même par contrat de mariage, ni vendre la succession d’une personne vivante, malgré son consentement. On ne peut non plus transmettre les droits que l’on détiendra dans la succession d’une autre personne.
Le législateur voulait protéger les donateurs contre des décisions qu’ils pourraient regretter, leur patrimoine étant susceptible d’évolution. Cette prohibition comporte une exception notoire puisqu’elle ne concerne pas les donations-partages qui organisent pourtant le futur partage des biens entre les héritiers. Un contrat de mariage peut prévoir une clause d’attribution d’un bien à un époux survivant. Dans le cas de communauté universelle il est prévu que toute la communauté sera transmise au survivant. Le testament ressemble aussi à un pacte sur succession future, mais il est révocable à tout moment. La tontine, considérée comme contrat aléatoire ne pose pas de problème.
anticipation de la gestion d’héritage
Pour libéraliser un peu plus les accords post-mortem deux réformes modernisant le régime patrimonial, votées en 2006 et 2007, ont créé le pacte successoral. En le signant, un ou plusieurs héritiers réservataires renoncent par avance à exercer leur demande de part minimale de la succession qui leur reviendra théoriquement. En somme ils s’obligent à ne pas demander en justice l’action de réduction normalement prévue par la loi pour éviter aux héritiers d’être lésés.
Cette formule s’adapte aux familles constituées par des membres ayant de grandes différences dans leur train de vie, permettant ainsi de verser une part plus importante d’héritage au plus pauvre ou à celui qui serait handicapé.
Cette anticipation de la gestion de l’héritage au moyen du pacte successoral s’accompagne forcément d’un accord négocié entre futurs héritiers car elle ne peut être imposée et doit faire l’objet d’un contrat signé par toutes les parties.
Le pacte successoral peut porter sur toute la réserve ou seulement sur une partie de celle-ci, le solde restant intangible. Il peut aussi s’appliquer à un bien déterminé et être aussi utilisé dans le cadre d’une transmission d’entreprise. Pour assurer la stabilité de celle-ci un des enfant sera désigné comme futur repreneur. Ses frères et sœurs s’engagent à ne pas remettre en cause cette décision quand surviendra le décès.
La réforme a aussi prévu le mandat posthume. Il permet à un chef d’entreprise de céder celle-ci à ses enfants lorsque ceux-ci n’ont pas encore l’âge suffisant pour la faire tourner, et de désigner un collaborateur qui s’en chargera jusqu’au moment où les enfants pourront prendre la relève.
deux notaires
Le pacte successoral, sur lequel on ne peut revenir, n’est pas sans risques car les enfants peuvent un jour déplorer leur abandon de réserve. Pour éviter toute contestation la concrétisation du pacte s’accompagne donc d’un sérieux formalisme, celui d’un acte authentique signé en présence du renonçant et de deux notaires, l’un d’eux étant désigné par le Président de la Chambre des notaires. L’un et l’autre agissant personnellement et ne pouvant déléguer à un clerc. La présence de ces officiers ministériels permet de vérifier que les contractants n’ont pas subi de pressions. Les bénéficiaires de la renonciation ne doivent pas être présents, en revanche il faut les désigner nommément dans le document.
Si plusieurs enfants renoncent en même temps, il sera établi un seul acte, mais signé séparément en présence à chaque fois des deux notaires, tenus de les informer de l’importance de l’acte qu’ils s’apprêtent à souscrire.
Le futur défunt (de cujus) doit accepter la ou les renonciations anticipées, lesquelles ne peuvent donner naissance à une libéralité au profit du ou des renonçants.
Roger TRÉVISE