JULES LEOTARD L'HOMME VOLANT

JULES LEOTARD L'HOMME VOLANT

Publié le 18/01/2022 dans HISTOIRES FORAINES

 

EN 1859,

JULES LEOTARD, L’ »HOMME VOLANT », DEBUTAIT AU CIRQUE NAPOLEON

 

C’est le Toulousain Jules Léotard qui eut le premier l’idée de voltiger d’un trapèze vers un autre. La première représentation publique de cette nouvelle discipline eut lieu le 12 novembre 1859 au cirque Napoléon, à Paris, où il exécuta un saut périlleux et le premier passage en « trapèze-trapèze » sous la coupole de ce qui est aujourd’hui le Cirque d’Hiver-Bouglione.

 

Du gymnase paternel….

Plusieurs légendes circulent sur ce fils de gymnaste et professeur d’acrobaties, propriétaire d’une salle de sports, né à Toulouse en 1838. La première - il la raconte lui-même dans ses « Mémoires » parues en 1860 -, veut que, tout jeune enfant, chaque fois qu’il pleurait, le seul moyen de le calmer était de le suspendre à un trapèze. Le doux balancement de ce dernier lui permettant de s’endormir…

Une autre légende date l’origine de ses exploits au trapèze du jour où présent dans le gymnase paternel, il refusa de suivre un cours de musique. Celui que ses parents destinaient encore à une carrière juridique, sauta par la fenêtre du gymnase, attrapa une barre de trapèze fixe qui le propulsa sur une autre barre... Ce qui lui aurait donné l’idée de faire bouger le trapèze.
Qu’importe la véracité ou pas de ces légendes : une nouvelle discipline en est née, et ces deux belles histoires sont indissociablement liées à celle de Jules Léotard, inventeur du trapèze volant.
C’est à Toulouse donc, que Jules Léotard s’amusa à passer de barre en barre. Dans ses « Mémoires », il raconte qu’un soir, dans la salle du gymnase paternel, alors qu’il venait d’essayer de nouveaux exercices, son ami Jules Nougaret, habitué du lieu, applaudit de toutes ses forces, mais finit dans le sable lorsqu’il voulut faire la même chose !

Bac en poche, le jeune Jules que son père destinait au barreau préfère « le trapèze et  le maillot à la robe d’avocat » ainsi qu’il l’écrit dans ses Mémoires.

Jusque-là, celui qui n’avait réalisé que de petites voltiges  s’initie plus avant et de manière assidue au trapèze, augmentant chaque fois la difficulté, et prenant plaisir à les répéter devant les élèves du gymnase paternel, épatés par une telle audace.
C’est ainsi qu’il se retrouva pour la première fois au Cirque de Toulouse pour un gala de soutien à un artiste local. L’écho de ses exploits parvint jusqu’à Paris, où des artistes appartenant à la troupe de Louis Dejean, alors directeur de la Société des Deux Cirques en parlèrent alors à  leur directeur qui délégua sur place un homme de confiance chargé de s’assurer du talent de notre jeune trapéziste. Agréablement surpris, il fit un rapport dithyrambique à Dejean qui voulut s’en rendre compte de visu. C’est ainsi qu’il se rendit lui-même à Toulouse.

 

… à ses débuts au Cirque Napoléon
Dans ses Mémoires, Jules Léotard raconte  comment cela s’est passé : « Il vint à Toulouse, et c’est le 20 juin que je travaillais pendant trois heures devant le Directeur du Cirque, et je fus définitivement engagé, - malgré les instances de ma mère, qui a encore des préjugés, - à débuter deux mois après au Cirque de l’Impératrice ».

Quelques jours plus tard, notre jeune gymnaste quittait la ville Rose, accompagné de son père, pour Paris. L’avenir s’ouvrait à lui…

Las, à peine installé dans la capitale, la fièvre typhoïde cloua notre homme au lit. Ses forces l’ayant abandonné, il dû retourner à Toulouse se « refaire une santé ». Un mois rythmé par l’air du pays et un entraînement régulier au trapèze lui permit de retrouver des forces et de regagner Paris pour débuter  le 12 novembre 1859 – ses débuts ayant été retardés de trois mois – au Cirque Napoléon afin d’y présenter « Les merveilles gymnastiques » qu’on appela bien vite… « La course aux trapèzes ».

Jules Léotard, âgé de 21 ans, y était éblouissant, volant de trapèze en trapèze (il y en avait trois sous la coupole du cirque) comme l’oiseau vole de branche en branche. Le bouche à oreille fit le reste : on se bousculait au Cirque Napoléon pour applaudir… l’homme volant. Un homme volant dont Hugues Le Roux révèle dans « Les jeux du Cirque et de la Vie foraine » que son cachet était de cent mille francs de l’époque pour un engagement de six mois !

Dejean qui entendait conserver Léotard à l’affiche –recettes obligent !- prolongea son contrat, mais grisés par le succès, l’artiste et son père multiplièrent incidents et procès pour rompre le contrat ou obtenir davantage.

Au Cirque Napoléon, tous les artistes portaient le même uniforme (frac noir à boutons dorés et pantalon blanc et noir), sauf Léotard qui décida ne pas pouvoir continuer à se produire dans une telle tenue. C’est ainsi qu’il adopta un justaucorps noir assorti d’un maillot couleur chair laissant entr’apercevoir ses pectoraux.

Force est donc de constater que l’inventeur du trapèze volant fut aussi celui qui créa le maillot collant, près du corps, révélant sa musculature tout en le laissant libre de ses mouvements. Un maillot adopté par les trapézistes du monde entier qui porte aujourd’hui le nom de… « léotard » !

Les exploits de celui que certains surnommèrent « l’Apollon du trapèze » ou « le brillant Adonis  » lui ouvrirent les portes des capitales européennes (Berlin, Londres, Moscou…) où il se produisit avec succès, et inspirèrent George Leybourne qui, en 1867, écrivit et composa la chanson « The Daring Young Man on the Flying Trapèze » (« L’audacieux jeune homme au trapèze volant »), avant de revenir à Paris, et se produire avec autant de succès au Cirque de l’Impératrice.

Dans son ouvrage « La course aux trapèzes », Pierre Lartigue cite aussi diverses partitions musicales (une « Leotard Polka » de Charles Harding ; une « Leotard Valse » et une « Leotard Polka » composée par Charle Coote Jr), sans oublier une chanson (encore une polka) intitulée « Les merveilles gymnastiques du Cirque Napoléon », toutes écrites et composées en l’honneur de notre talentueux trapéziste.

 

Une vie courte mais riche de succès
Entre deux représentations, il prit le temps d’écrire ses « Mémoires », de multiplier les conquêtes, et de s’initier au « vélocipède » ; le siège du Veloce Club Toulousain étant domicilié  à l’adresse du gymnase du père de  Léotard. Il en fut même un adepte assidu. Pour preuve,  en 1869,  âgé de 31 ans, il remporta  la course cycliste Villefranche du Laurageais-Touloule-Villefranche, à laquelle participait Clément Ader, avant de mourir l’année suivante, en 1870, à l’âge de 32 ans de la variole noire.
Qu’ajouter de plus, si ce n’est que la carrière de celui qui fut surnommé « l’homme volant » fut courte mais riche de succès, et inspiratrice d’une nouvelle discipline, d’un nouveau mode d’expression, le trapèze volant, qui n’a cessé d’évoluer pour faire rêver et frissonner les publics du monde entier…

 

 

• Pour en savoir plus :

« La course aux trapèzes », un livre de Pierre Lartigue