GEORGIO ET MARFFA LA CORSE

GEORGIO ET MARFFA LA CORSE

Publié le 15/07/2021 dans HISTOIRES FORAINES

UN DUO DE BELLUAIRES :

GEORGIO ET MARFFA LA CORSE

 

Outre Marcel et Martha la Corse, un autre couple de belluaires  a fait les beaux jours des ménageries foraines où il se produisait. Marffa la Corse (avec un ou deux « f » selon les pays, les années, les établissements et les affiches !) et Georgio son époux, attiraient les foules, et les « bourrées » étaient plus que fréquentes, quelle que soit la ville ou le champ de foire fréquenté… L’un et l’autre méritant leur place au… Panthéon des gloires de la fête, voici les portraits croisés de ces deux belluaires…

 

Fils d’un marchand de poisson toulousain, Georges Vignolles, dit Georgio, est né en 1896 dans la « ville rose ». Il y exerça différents petits métiers… C’est ainsi qu’on le retrouva  successivement apprenti coiffeur, vendeur de journaux, puis receveur de tramway…  A 14 ans, les rails du tram ne suffisant pas à son ambition, il quitta le toit familial pour vivre chez l’homme-canon, un certain Barlati. Ce dernier tenait un établissement plein d’individus et truqueurs de tout acabit. Une véritable « Cour des miracles »… ainsi que le rappelait L’Inter Forain dans son numéro du 20 mai 1949.

Dans cet univers à la fois étrange et fascinant, l’adolescent apprit et copia tout ce qu’il vit faire, et débuta sur les planches comme camelot en postichant la surprise et la poignée de bijouterie. Il devint rapidement le « Roi du portefeuille » tant il en écoulait…

 

Un véritable « Frégoli forain »

Quelques années plus tard, Georgio se maria avec une belle Italienne, Anita Cardinali, ouvrit un magasin d’articles forains, mais cet amateur de poker perdit tout son argent au jeu, si bien que la famille dut fermer boutique pour monter le « Cirque Américain » qui démarra assez bien mais périclita aussi vite.

A  nouveau sans argent, Georgio entreprit une tournée dans les cafés de la région toulousaine. Véritable Frégoli forain, il exécutait  tout un programme à lui seul, avalant des clous, faisant disparaître des cartes, s’enfonçant des aiguilles dans le cou et de l’étoupe enflammée dans la bouche, chantant des chansons burlesques et imitant même Monthéus.

A force d’économies, il parvint à monter une fosse où il exhibait des  animaux sauvages.

La chance revenue fut toutefois de courte … car sa belle Italienne le quitta, partant avec toutes ses économies !

 

Rencontre avec Marffa

Quelque temps plus tard, Georgio rencontra Marffa, âgée de 16 ans. Ils tombèrent amoureux, elle devint sa femme,  et ils partirent en voyage de noces dans le Midi. Là, Marffa fit la connaissance de la fille de Giovani qui domptait des hyènes. Celle-ci lui enseigna l’art du dressage, et en 1925, elle fit sa première apparition en cage à Aubagne, dans une ménagerie à son nom.
Fasciné par le courage de son épouse, Georgio ne voulut pas être en reste. Il apprit le métier et devint à son tour belluaire, faisant sensation par son inconséquente témérité...
L’année suivante, c’est à l’occasion d’un concours international   à Ajaccio où elle présentait un travail particulièrement dangereux que Marffa fut surnommée… « Marffa la Corse ». Titre qu’elle conserva sa carrière durant. Un prénom et un nom qui ressemblaient étrangement à ceux de Martha la Corse, et qui explique peut-être pourquoi les deux femmes s’en sont voulu pendant aussi longtemps. Vérité oblige à dire qu’en réalité, elles n’étaient Corses ni l’une ni l’autre…

 

A Loubillé dans les Deux-Sévres
Georgio et Marffa eurent deux filles, Georgette et Paulette qui, dès leur plus jeune âge, firent leurs débuts dans la ménagerie familiale. Les années passèrent, la ménagerie puis le cirque allèrent avec succès de villes en villes et de fêtes en foires …

En août 1939, l’horizon s’obscurcit, les fêtes cessèrent, Marffa et Georgio, qui se trouvaient à Montceau-les-Mines, durent remiser leur cirque-ménagerie. Ils s’installèrent alors dans les Deux-Sèvres, à Loubillé, près de Chef-Boutonne, où Georgio possédait une petite exploitation agricole. Quelque temps plus tard, les bêtes durent être vendues, Georgio et Marffa ne pouvant plus les nourrir. Devenus fermiers, ils élevèrent alors des poules et des canards, etc.

 

Retour place de la Brèche à Niort
Après-guerre, Georgio exploita… « Vision d’Histoire », sorte de diorama sur les camps nazis, alors que la bouillante Marffa se mettait  à acheter quelques animaux en Belgique (au Barnum Robert Henry) pour remonter une nouvelle ménagerie -sous l’enseigne de La Jungle -, dont la première représentation eu lieu place de la Brèche, à Niort.
Georgio et Marffa reprirent alors la route pour de nouvelles aventures. Par la suite, Marffa se procura une panthère, des ours et une belle collection de singes qui vinrent compléter la troupe…

En 1949, lorsque Georgio et Marffa montèrent leur ménagerie à la foire aux pains d’épices. On pouvait alors lire dans L’Inter Forain : « Il faut voir avec quelle science dans la présentation et le boniment, Georgio sait faire entrer la foule sous son chapiteau à chaque parade. Il pousse même la coquetterie jusqu’à se donner dix ans de plus pour émouvoir davantage les spectateurs (…) ».  Si cela faisait 20 ans que Georgio n’était pas venu à Paris où il fut employé à la ménagerie Laurent, vérité oblige à reconnaître que ce n’est plus le mari de Marffa qui était face aux lions, mais Georgio Junior, en réalité Gustave, le mari de Georgette, que l’on faisait alors passer pour Georgio Senior, ou parfois pour son fils !

 

Le Cirque et la Ménagerie La Jungle

En 1953, Marffa la Corse monta « La Jungle » à la foire aux pains d’épices, avec Jim Roose et sa lionne Miss, et Willy au programme. On la retrouvait alors sans fouet, faisant travailler ses bêtes au doigt et à l’œil. Elle obtenait des tigres tout ce qu’elle désirait : passage dans un cerceau de papier, dans un tunnel, sur une échelle, sauts, etc. De l’avis de tous, Marffa faisait évoluer ses huit fauves avec une aisance extraordinaire.

L’année 1953 marqua aussi la fin des tournées de la ménagerie. C’est l’année des premiers engagements. Une fois la foire aux pains d’épices terminée, elle partit pour Helsinki, en Finlande rejoindre le Cirque Sariola. Georgio, s’occupant des contrats.

 

Sous les plus grands chapiteaux

Marffa abandonna donc la ménagerie pour présenter son numéro dans les plus grands cirques, où elle fit de remarquables entrées avec des tigres d’Indochine à qui elle faisait traverser des cerceaux de papier, faire de l’équilibre, etc. Ses engagements la menèrent dans le monde entier, de Cayenne en Hollande, en passant par l’Amérique et la Finlande. En France, elle travailla chez Amar et Bouglione, au Radio Circus, au Cirque Napoléon Rancy, mais aussi à l’Olympia, en 1960. Blessée plus d’une trentaine de fois, cette remarquable belluaire présenta aussi des serpents pythons en compagnie de sa fille Georgette, la mère de Sonia et de Georgina, ses petites filles que l’on retrouva également sur les fêtes dès leur plus jeune âge. De leur côté, Paulette, fille cadette de Marffa et ses enfants, se sédentarisèrent assez vite.

 

Au Panthéon des foires et fêtes…

Revenons à Marffa. Nous sommes dans les années 50. Alors qu’elle part assurer des engagements à l’étranger, Gustave (Georgio Junior) et Georgette montèrent boutique à l’enseigne du « Petit Creusot ». Georgina et sa sœur Sonia faisant la parade. En 1966, après une carrière bien remplie, Marffa cessa toute activité. Avec Georgio, ils se retirèrent à Ergnies, dans la Somme, auprès de leur fille Georgina qui arrêta le métier en même temps qu’eux et se reconvertit alors dans les marchés.

Sonia, elle, resta sur la fête, ainsi que Vincent Delort, arrière-petit-fils de Marffa et Georgio…

Georgio décéda en 1979, à l’âge de 83 ans, et Marffa – à qui Jean Richard rendit visite peu de temps avant sa disparition - en 1997, à l’âge de 89 ans. L’un et l’autre ayant écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire des ménageries foraines, ils méritent amplement de figurer au… Panthéon des « gloires de la fête » !