FRANK-HENRY,
UN… « MONSIEUR TRANQUILLE
AUX YEUX BLEUS »
DANS LA CAGE AUX FAUVES
Parmi les grandes ménageries foraines de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, il y a bien sûr celles des Pezon, Bidel, Redenbach, Laurent, Georges Marck, mais aussi celles de Marcel où débuta son frère Henri Chaffreix, plus connu sous le nom de… Frank-Henry qui, le moment venu, monta lui aussi sa propre ménagerie.
Un grand nombre de dompteurs se produire sur la fête avec des ménageries aux façades impressionnantes destinées à attirer le public. Les dompteurs de l’époque ne lésinaient pas sur les effets et les superlatifs en parade, avec parfois même des orchestres ponctuant musicalement leurs boniments !
Frère du célèbre Marcel, et beau-frère de Martha la Corse, Frank-Henry tourna de longues années sur la fête ou avec des cirques voyageurs. C’est ainsi qu’il fut à l’affiche de Bostock avec des lions et des léopards.
Curieux destin que celui de ce fils de forgeron, dit Frank-Henry (à ne pas confondre avec le Capitaine Henri de la Ménagerie du Sénégal), né à Commentry sur les bords de l’Allier, que rien ne destinait à rentrer dans la cage. Hormis, peut-être, le fait que sa mère tenait le vestiaire du Nouveau Cirque !
Très tôt avec les fauves
Toujours est-il qu’avec son frère Marcel, ils passaient tout leur temps libre dans les coulisses et sur la piste du Nouveau Cirque pendant les répétitions de Footit et Chocolat, extraordinaire duo clownesque de l’époque.
Comme son frère, il fit ses débuts comme garçon de cage chez Bostock, soignant les bêtes, veillant à leur transport, etc. Et, c’est tout naturellement qu’il entra dans la cage, pour donner à manger aux bêtes.
Henri et Marcel Chaffreix eurent assez vite des velléités d’indépendance. C’est ainsi, qu’avant la Première Guerre Mondiale, Marcel monta un entresort avec animaux avant d’étoffer son cheptel et ouvrir avec l’aide de son frère Henri, une petite ménagerie foraine qui connut un joli succès sur les champs de foire.
Les deux frères durent toutefois cesser leur activité pendant la Grande Guerre. Ils ne reprirent qu’après l’Armistice, redémarrant de zéro comme de nombreux forains qui ne retrouvèrent pas leur matériel après-guerre ou en si mauvais état que le résultat était le même…
De la ménagerie Marcel…
On vit donc réapparaître la ménagerie Marcel où officiait Frank-Henry. Un séducteur et talentueux dresseur à l’affiche donc de cette ménagerie qui, alors, n’hésitait pas à organiser des exhibitions sportives au profit des « Gueules Cassées ». Une ménagerie qui prit aussi une telle importance qu’elle atteignit rapidement 42 mètres de façade, avec un décor signé de leur ami Gustave Soury.
Et, lorsque Marcel et Martha la Corse, son épouse, étaient en tournée à l’étranger, c’est tout naturellement Frank-Henry qui prenait la direction de la ménagerie.
Dans « Sarah Caryth, dompteuse et charmeuse de serpents », un livre d’Yvonne Boymond, l’auteur raconte que cette belluaire qui travaillait à la ménagerie Marcel se souvient que Frank-Henry lui proposa de faire travailler Pouny, une magnifique panthère des Indes qu’elle présenta dans un numéro tout en douceur. D’autres dompteurs firent leurs classes chez celui que de nombreux forains et belluaires surnommaient « Le Monsieur tranquille aux yeux bleus ».
… à la Jungle de Frank-Henry
En 1922, toujours présent à la ménagerie Marcel, Frank-Henry repris un numéro avec Mascotte III et Haïder II, avant d’accueillir quelques années plus tard un léopard géant.
Lorsque les deux frères se séparèrent, Frank-Henry racheta une ménagerie à Gilbert Pezon et la baptisa « La Jungle de Frank-Henry » (voir photo). Il y donna « Le miracle des Loups ». Les bêtes étaient alors présentées dans un décor hivernal et la neige (des morceaux de tissu blanc) tombait dans la cage pendant le numéro, alors qu’en 1925, lors de l’exposition internationale des Arts décoratifs industriels modernes, l’établissement présentait 10 entrées de cages avec 5 talentueux belluaires au rang desquels figuraient Sarah Caryth, Castellani, Fernando et Frank-Henry lui-même.
C’est d’ailleurs à l’issue de cette saison chez Frank-Henry que Sarah Caryth acheta ses premiers fauves.
L’année suivante, Frank-Henry s’associa au Cirque Pieré où il présentait un numéro avec une douzaine d’ours.
Loups et ours étaient souvent au programme de celui qui aimait s’installer avec « Bonzeli », sa femelle ourse favorite, à la terrasse de la Coupole, boulevard du Montparnasse, à Paris.
Comme son frère Marcel, Frank-Henry n’a pas échappé aux blessures. Que ce soit à la fête de Saint-Denis où la lionne Aïda lui déchira la main, mais aussi à celle du boulevard Ornano, à Paris, où il fut ouvert au front et au bras mais repris le spectacle le soir même face à la bête qui l’avait blessé… Une autre fois, il du même abattre un ours au revolver car celui-ci devenait trop méchant.
Un dernier tour de piste
Alors qu’après la disparition de Martha la Corse, son frère Marcel achevait sa carrière de directeur de ménagerie et de dompteur à la foire du boulevard Richard Lenoir, à Paris, dans une petite baraque où il présentait son vieux lion Spy, ainsi que deux lionnes, des bruits de bottes venus d’Allemagne devenaient de plus en plus présents. Les ménageries fermèrent à nouveau leurs portes le temps d’une nouvelle guerre. Au lendemain de celle-ci, Marcel qui souffrait alors terriblement de l’aortite qui devait l’emporter quelques années plus tard remonta une ménagerie avec son frère.
Ensemble, ils reprirent la route, exhibant vaches et phénomènes, mais l’aventure fit long feu, car Marcel décéda le 28 août 1945, à l’âge de 62 ans à la foire aux manèges de Lille où ils venaient de s’installer.