Une mauvaise surprise attend parfois le vendeur d’un bien. La commune demande à exercer son droit de préemption urbain (DPU), ce qui fait d’elle un acquéreur prioritaire. Impossible donc de choisir un autre acheteur. Le motif invoqué est le plus souvent la réalisation d’opérations d’intérêt général telles que la mise en œuvre de la politique locale de l’habitat, l’organisation, le maintien ou le développement d’activités économiques, des loisirs et du tourisme. Ainsi que de la lutte contre l’insalubrité, de la conservation du patrimoine, de la constitution de réserves foncières.
Dans les communes déficitaires en logements sociaux, le préfet peut se substituer au maire pour exercer le droit de préemption urbain. Ce qu’il sera incité à faire de plus en plus souvent lorsqu’une commune n’appliquera pas la loi SRU qui impose un quota d’aménagement ou de construction de ces logements.
Le DPU peut viser aussi bien des terrains que des constructions. Une délibération du conseil municipal en définit les limites. Évidemment le maire n’a pas la faculté d’exercer ce droit en nom propre, même pour le relogement d’une personne expropriée. Ni lui ni la commune ne peuvent préempter en vue d’opérer une cession amiable à leur profit.
Sont concernés tous les biens immobiliers achevés depuis au moins 10 ans qui font l’objet d’une vente (volontaire ou forcée). Les titres des sociétés immobilières (civiles ou par actions). Sont exclus du droit de préemption urbain les immeubles appartenant aux organismes d’HLM, les fonds de commerce, les lots de copropriété (d’habitation et/ou professionnel) portant sur un seul local. Mais il existe un DPU dit « renforcé », s’appliquant sur des biens qui normalement étaient exclus du droit de préemption simple.
À peine de nullité la vente est subordonnée à une déclaration préalable faite en mairie. Elle comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de la vente projetée. La déclaration sera remise à la mairie contre décharge ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Si le titulaire du droit de préemption, maire ou préfet, indique son refus d’acheter ou ne répond pas dans les deux mois, le vendeur récupère son droit de vendre librement.
Ces formalités sont accomplies par le propriétaire s’il le veut et le plus souvent par le notaire. C’est pourquoi la vente ne pourra avoir lieu qu’après expiration des délais. Et c’est le notaire aussi qui recevra la réponse ou constatera la non-réponse.
Dans les promesses et compromis de vente, notaires et agents immobiliers protègent le vendeur vis à vis de l’acquéreur en insérant dans l’acte une condition suspensive à son exécution pour le cas où la commune déciderait de préempter le bien mis en vente.
La décision doit être motivée, car c’est le motif qui pourra appuyer éventuellement une contestation. La décision de préempter est soumise au contrôle de légalité du préfet. En cas d’accord, ce qui signifie aussi l’acceptation par la commune du prix et des accessoires dont la commission due à l’agent immobilier si elle existe, l’acte devra être signé dans les trois mois. L’admistration dispose alors de six mois pour régler le prix. Ce délai court à partir, soit de la décision d’acquérir le bien au prix demandé, soit de la décision définitive du juge de l’expropriation en cas de litige sur le prix. La commune peut en effet discuter le prix et faire une contre proposition, laquelle sera ou non acceptée par le vendeur et dans ce dernier cas fixée par le juge dans les 15 jours, et susceptible d’appel. Jusqu’au paiement total le vendeur conserve la jouissance du bien. En cas de paiement tardif il aura droit à des intérêts.
La décision de préempter peut faire l’objet d’un recours en annulation, en saisissant le Tribunal administratif dans les deux mois de la notification. Ce recours, pour lequel la collaboration d’un avocat spécialisé peut-être utile, s’appuiera sur des motifs d’illégalité.
Le vendeur peut mettre en doute la compétence du signataire de la décision ou arguer du respect par celui-ci des délais. Il y a lieu aussi de contrôler le plan d’occupation des sols pour vérifier que le bien se trouve effectivement dans le périmètre ou s’exerce le droit de préemption et qu’à fixé le conseil municipal. On peut contester la notion d’intérêt général ayant motivé la préemption, cas d’annulation relativement fréquent, les communes ayant tendance à trop élargir cette notion. Parfois on peut plaider l’illégalité du plan d’occupation des sols.
Des conditions spéciales existent pour les préemptions sur zone d’aménagements différés (ZAD) et les SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et établissement rural). Les plus importantes de celles-ci consistent à dynamiser l’agriculture, à aider les jeunes à sauvegarder la nature. Elles achètent des biens agricoles ou ruraux puis les revendent surtout à des agriculteurs, mais aussi à des collectivités, des établissements publics nationaux ou locaux (conservatoire du littoral, parcs naturels, agences, etc…), personnes privées, associations, fédérations, entreprises, etc… dont les projets répondent à l’objectif de ses missions. Pour cela elles disposent d’un droit de préemption. Elles sont systématiquement informées des projets de vente par les notaires et peuvent acheter à la place de l’acquéreur initial. Après annulation ou non-réponse de la commune dans les délais prévus le vendeur retrouve son droit de vendre à qui lui semble bon, mais pas à un prix supérieur à celui demandé initialement ou à celui fixé par le juge.
Roger TRÉVISE