CINEMA

CINEMA

Publié le 05/11/2019 dans ACTUALITES

 

Le Mans 66
Ford contre Ferrari

 

1959. Carroll Shelby remporte les 24 Heures du Mans. Il doit renoncer à sa carrière lorsqu'on lui diagnostique un problème cardiaque. Il devient concepteur de voitures et attire l'attention des usines Ford qui l'engagent pour concevoir le bolide qui leur permettra de battre enfin leur rival numéro un, Ferrari. Le pilote d’essai aguerri Ken Miles, au caractère bien trempé, sera le pilier de son équipe... James Mangold revient sur une période désormais lointaine de la Formule 1, lorsque la mort attendait au moindre tournant. Il magnifie les sensations fortes vécues par les coureurs, n'éludant rien de la dangerosité ni de l'excitation qui va avec, ou d'une certaine arrogance face aux grands risques qu'ils prennent. Matt Damon et Christian Bale incarnent deux fortes têtes unies par une vision commune de leur passion. Le premier sait se contenir malgré les mauvais coups de sa direction, alors que l'intransigeance du second lui joue des tours. Leur amitié profonde est le principal moteur d'un récit qui saisit le glissement intensif vers l'industrialisation des sports mécaniques. La dernière partie est une impressionnante reconstitution immersive de cette épreuve automobile phare.

 

 

 

Terminal Sud
Un docteur à abattre

 

Un chirurgien exerce son métier du mieux possible dans un centre hospitalier, dans une région frappée par une guerre civile larvée. Son beau-frère, journaliste engagé, est sommairement exécuté et sa femme ne supporte plus cette atmosphère de terreur. Son  quotidien bascule plus directement lorsqu'il se retrouve piégé entre deux factions aussi délétères l'une que l'autre. Ramzy Bedia est tragique en homme dévoué à son sacerdoce, mais de plus en plus fatigué par les diverses menaces qui pèsent sur lui. Conscient du peu d'espoir pour une résolution positive à son destin, il avance avec une cible dans le dos, visé par les représentants du pouvoir et les terroristes islamistes. Il est souvent difficile de décerner qui commet telle ou telle exaction, ce qui n'aide pas la population à demander de l'aide. Le pays où se déroule l'action ressemble à l'Algérie du début des années 90 mais n'est jamais identifié, ni géographiquement ni chronologiquement, signe que les troubles dépeints sont hélas intemporels et universels. Malgré des maladresses, Rabah Ameur-Zaimeche évoque de façon poignante un conflit qui a marqué le pays de ses racines mais qui ressemble à bien d'autres de par le monde.

 

 

 

J'ai perdu mon corps
Une main dans la ville

 

Sur le point d'être disséquée, une main s'évade d'un laboratoire. S'ensuit un périple ardu dans les rues de Paris pour retrouver son propriétaire, Naoufel. Ce livreur de pizzas pas très doué tombe sous le charme de Gabrielle, une de ses clientes malchanceuses, qu'il essaie de séduire maladroitement. Comment a-t-il perdu sa main ? Jérémy Clapin met en scène avec brio cette sombre odyssée. Dès la première scène, il nous fait ressentir que cette main coupée est un être à part entière, doté de ressentis vifs et capable de voir le monde qui l'entoure. Il lui fait affronter divers obstacles dont des animaux gourmands. La trajectoire de ces doigts agiles indépendants a des airs de film d'aventures et d'horreur, celui de Naoufel oscille entre la comédie romantique et le drame psychologique. Le récit est dynamique, soutenu par les mélodies de Dan Levy du groupe The Dø, qui accompagnent élégamment la mélancolie d'un jeune homme épuisé par cette impression que le pire succède au pire. Jérémy Clapin dépeint avec acuité la solitude des grandes villes grâce à cette adaptation du roman «Happy Hand» par son auteur Guillaume Laurent, le scénariste du «Fabuleux destin d'Amélie Poulain».

 

 

 

La Belle époque
La vie est un théâtre

 

Victor se dispute avec son épouse qui ne supporte plus son humeur massacrante et le fout à la porte. Antoine, un ami de leur fils, l'invite à tester son attraction : grâce à une savante reconstitution en studio et des acteurs motivés, il fait revivre à ses clients un moment marquant de leur vie. Victor choisit le jour où il est tombé amoureux de sa future femme. Le rôle sera joué par Margot, l'amie d'Antoine... Cette fable romanesque est un vrai bonheur de cinéma grâce à une mise en scène artisanale, sans effets spéciaux autres que des maquillages simples, et des costumes et décors de théâtre pour des voyages dans le temps pour de faux. Nicolas Bedos nous invite à remonter dans le passé avec Daniel Auteuil en sexagénaire blasé, pour une de ses meilleures prestations depuis longtemps. L'envie de replonger dans une période exagérément idéalisée est saisie dans ce qu'elle a de pathétique et de mélancolique. Guillaume Canet est fiévreux en artiste insatisfait qui a trouvé en tant que manipulateur de souvenirs un mode d'expression de substitution. Doria Tillier, sa muse, montre un tempérament d'acier et Fanny Ardant est savoureuse en femme lassée aux piques d'une singulière cruauté.

 

 

 

Adults in the Room
Parlons de la crise financière grecque

 

2015. Depuis sept ans, la dette de la Grèce ne cesse de s'accroître et dépasse les 300 milliards d'euros. Le pays subit le joug d'une politique d'austérité imposée par l'Union européenne. De nouvelles élections installent Alexis Tsipras au pouvoir. Son ministre des Finances Yanis Varoufakis va tenter de renégocier les termes de l'aide accordée au pays mais il fera face à un mur insurmontable... En adaptant le livre de ce dernier sur les coulisses secrètes de ces échanges, Costa-Gavras dénonce la pression des institutions au détriment d'un peuple en souffrance. Les gouvernants et autres technocrates pas forcément compétents en prennent pour leur grade. Les français ne sont pas épargnés, avec les renoncements et trahisons du ministre de l'économie de l'époque Michel Sapin ou du commissaire européen Pierre Moscovici. Emmanuel Macron est lui aussi égratigné en quelques secondes. L'accumulation de réunions et de palabres stériles rend le film parfois aride, mais cette répétition permet de bien comprendre tous les enjeux et les manipulations. Une satire mordante dirigée par un octogénaire en colère qui retrouve le niveau de certains de ses plus grands films.

 

 

 

Mon chien Stupide
Ma famille est une âme triste

 

25 ans plus tôt, Henri a connu un très grand succès en librairie. Depuis, rien d'aussi brillant et il enchaîne les livres et scénarios affligeants. Il affiche sa lassitude d'auteur maudit, blâmant sa femme Cécile, dépressive et alcoolique, et sa progéniture, trois garçons et une fille vivant à leurs crochets, pour sa vie médiocre. Soudain, un gros chien s'invite chez eux et il décide de garder ce gros cabot vite baptisé Stupide... Après «Ma femme est une actrice» et «Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants», Yvan Attal adapte un roman de John Fante pour mettre à nouveau en scène le couple qu'il forme avec Charlotte Gainsbourg à la ville. Elle interprète avec passion son épouse de plus en plus maîtresse de son trajet, en lutte permanente contre la perception que son mari a d'elle et de leur couple. Autocentré, il est aveugle aux doutes de ses proches, égrenant ses griefs contre tout le monde. Après l'ouverture sur la narration de Yvan Attal aussi rebutante que son personnage, le charme prend petit à petit avec cet intrus «attachien» excessivement affectueux avec les hommes à sa portée. Ce portrait d'un type pas aimable le devient lorsqu'il perd de son amertume.

 

 

 

Pascal LE DUFF