CINEMA

CINEMA

Publié le 11/09/2019 dans ACTUALITES

 

La Vie scolaire
Une année à l'école

 

 

 

Samia a quitté l'Ardèche pour travailler dans un collège difficile en Seine Saint-Denis. Au fil des saisons, cette conseillère d'éducation se confronte à la dure réalité du terrain, s'attachant au prometteur mais insolent Yanis ainsi qu'à Soufiane, le sympathique prof de maths. Deux ans après «Patients», Grand Corps Malade repasse derrière la caméra pour cette chronique sympathique d'une année scolaire. Il suit le parcours d'une femme enthousiaste dans l'exercice de son métier qui la place à mi-chemin entre le corps enseignant et leurs élèves. Zita Hanrot fait preuve d'une présence solide et douce, juste malgré les bons sentiments. Son principal partenaire est cet élève qu'elle soutient contre vents et marées, alors qu'il ne cesse de tendre le bâton pour se faire battre. Le portrait n'est pas angélique, son acharnement à pourrir la vie d'un prof étant montré sans détour. Ce personnage au bord de la dépression nerveuse aurait pu être caricatural mais il est le plus crédible, dans ce qu'il reflète de l'abandon de certains membres de cette profession. L'humour des interventions d'un garçon mythomane ou d'un prof de sport au langage fleuri allègent la naïveté parfois lourde.

 

 

 

Une fille facile
Conte amoral d'été

 

 

 

Naïma, seize ans, vit à Cannes et va bientôt rentrer dans la vie active. Plutôt que d'effectuer un stage dans un hôtel de luxe, elle profite des vacances d'été avec son meilleur ami Dodo. Lorsque sa cousine débarque en ville, Naïma l'accompagne dans ses pérégrinations. Devenue célèbre pour avoir fricoté avec des joueurs de l'équipe de France de foot, Zahia Dehar fait ses débuts en émule de Brigitte Bardot. Sofia aime profiter de l'instant présent, sans se prostituer, mais en se donnant à des hommes qui lui font des cadeaux de très grande valeur. La morale est à peu près sauve mais nul n'est dupe. La réalisatrice utilise sa présence comme moteur de l'intrigue, tout en la laissant à l'arrière-plan, préservant une part de son mystère. Benoît Magimel apporte une dimension lassée intrigante à son personnage de témoin récalcitrant, ami et surtout employé d'Andres, le playboy qui a séduit Sofia sur son yacht. Mina Farid endosse avec complexité un rôle ambigu d'adolescente cherchant à grandir vite, fascinée par la sensualité frontale de sa cousine dont elle cherche surtout à imiter l'indépendance d'esprit. Une lutte des classes insidieuse, décortiquée intelligemment par Rebecca Zlotowski.

 

 

 

Fourmi
Trop petit pour le foot

 

 

 

Théo, dix ans, est surnommé Fourmi en raison de sa petite carrure. Excellent footballeur, il est souvent embarrassé par son père qui s'emporte pour un rien contre l'arbitre, les autres joueurs ou leurs parents. Alors que Théo pensait être recruté par Liverpool, il déchante lorsqu'on lui dit qu'il est trop petit. Craignant de voir son père s'enfoncer encore plus profondément dans sa déprime et son penchant pour l'alcool, Théo lui fait croire qu'il a été pris... Le gamin multiplie les mensonges de plus en plus complexes, aidé par un copain doué en informatique, aux initiatives de plus en plus bizarres mais plutôt amusantes. Après «Rosalie Blum», Julien Rappeneau adapte à nouveau une BD, «Dream Team» de Mario Torrecillas et Arthur Laperla, pour mettre en scène un gamin investi d'une mission trop lourde pour ses jeunes épaules, sauver son père alcoolique et sans emploi, mal vu de tous. Malgré la bonhomie généralisée et l'investissement d'acteurs de talent (François Damiens en père aimant mais triste, André Dussollier en entraîneur sympa, Laetitia Dosch en assistante sociale bienveillante), il est difficile de s'emballer pour ce divertissement qui manque de punch et de surprises.

 

 

 

Les Hirondelles de Kaboul
Survivre aux Talibans

 

 

 

Kaboul, Afghanistan, en 1998. Deux couples vivent sous le joug des Talibans. Mohsen et Zunaira s’aiment profondément. Hostiles aux oppresseurs, ils se disputent après un geste de Mohsen dont lui-même a honte. Atiq est le geôlier de femmes condamnées à la lapidation. Son épouse, Mussarat, est atteinte d'un cancer en phase terminale... Zabou Breitman a réalisé avec l'animatrice Eléa Gobbé-Mévellec cette adaptation du roman de Yasmina Khadra. Les décors de la ville ravagée sont comme effacés, à l'image d'habitants devenus fantômes. Beaucoup est dit à travers les très beaux dessins à l'aquarelle et la teinte grisâtre des coups de pinceaux. L'envie de résistance de certains est mise à mal par le poison de l'intolérance qui s'inscrit insidieusement en eux. Sur la forme et les intentions, peu de choses à reprocher à  ce long-métrage d'animation présenté à Cannes et à Annecy, porté par les voix précises de Simon Abkarian, Zita Hanrot, Hiam Abbass et Swann Arlaud. Les qualités de cette captation d'une réalité historique tristement actuelle sont néanmoins amoindries par des effets mélodramatiques et une musique omniprésente, notamment lors d'une scène d'exécutions publiques.

 

 

 

Deux moi
Chacun cherche sa moitié

 

 

 

Rémy et Mélanie, la trentaine, vivent dans deux immeubles mitoyens à Paris. Parfois ils se penchent au même moment à leur terrasse, mais ne peuvent  pas se voir. Rémy et Mélanie n'ont guère le moral et peinent à s'engager ou à susciter chez l'autre l'envie de s'engager... Un long chemin l'un vers l'autre s'entame dans un Paris que Cédric Klapisch prend un plaisir non dissimulé à filmer, tout en montrant comment toute ville peut séparer ceux qui pourraient s'aimer si le sort les aidait. Frère et sœur dans «Ce qui nous lie», François Civil et Ana Girardot se retrouvent en couple en puissance qui tarde à se rencontrer malgré la proximité géographique. Le charme discret de cette comédie romantique repose beaucoup sur la quiétude de leurs tempéraments, leur alchimie à distance et l'envie de les voir «finir» ensemble. François Berléand et Camille Cottin sont leurs psys respectifs, inquiets pour leur avenir sentimental et leur déprime molle. Simon Abkarian amuse en épicier truculent qui sait leur indiquer les produits les plus adaptés à leur épanouissement, souvent les plus chers ! L'appréciable humour espiègle n'empiète pas sur la jolie mélancolie qui imprègne cette drôle de non rencontre.

 

 

 

Music of my life
Joue-la comme Springsteen

 

 

 

1987. Javed est un adolescent timide d’origine pakistanaise vivant à Luton, petite ville d'Angleterre victime de la politique de Margaret Thatcher. Écrasé par son père autoritaire, Javed se réfugie dans l'écriture, remplissant ses carnets de considérations sur la société, le racisme et ses proches mais aussi en rédigeant des poèmes. Un camarade de classe lui fait découvrir Bruce Springsteen. Il devient son plus grand fan... Gurinder Chadha («Joue-la comme Beckham») signe une comédie joyeuse qui donne envie de se plonger dans l'oeuvre intégrale de Bruce Springsteen pour décortiquer les paroles de ses tubes rock engagés et en saisir toute les saveurs. Gurinder Chadha n'évite pas la mièvrerie mais parvient à distraire de façon enthousiasmante, grâce à une belle énergie et des personnages attachants, même s'ils sont parfois caricaturaux, à commencer par le patriarche rude mais au fond gentil. L'histoire adaptée du livre autobiographique de Sarfraz Manzoor mêle savamment le témoignage historique au récit initiatique intime. Ce récit lui a permis de rencontrer son idole qui a facilité l'emploi de ses morceaux pour ce divertissement qui devrait séduire les fans de «Sing Street».

 

 

 

Pascal LE DUFF