CINEMA

CINEMA

Publié le 12/04/2018 dans ACTUALITES

 

Le Collier rouge
Un poilu et son chien

 

1919. Le caporal Morlac est retenu prisonnier dans son petit village. Son chien attend à l'extérieur de la caserne, aboyant inlassablement jour et nuit pour manifester sa présence à son maître. Le commandant Lantier du Grez est chargé de l'affaire. François Cluzet retrouve Jean Becker 35 ans après «L'Été meurtrier» pour cette satire bonhomme de la boucherie de la Grande guerre, adaptée d'un roman de Jean-Christophe Ruffin. L'acteur interprète un juge militaire, témoin des pires horreurs en tant qu'officier mais qui s'est défait de sa rigidité. Il est plus bienveillant avec le prévenu que ne l'exige le protocole. Pourtant, le taiseux insoumis ne l'aide guère à mener sa patiente investigation qui dévoile un incident absurde aux conséquences tragiques. En son coeur, une femme amoureuse mais surtout un chien d'une trop grande loyauté. Nicolas Duvauchelle s'intègre bien à l'univers du réalisateur des «Enfants du marais» en soldat courageux détruit par une sale guerre qui a transformé des êtres vivants en chair à canon. La mise en scène d'une quiétude bienvenue permet d'aborder ce sujet lourd avec une étonnante légèreté tout en frappant un grand coup contre les patriotismes échevelés.


 


Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot
Joaquin Phoenix paralysé

 

Après l'accident de voiture qui lui a coûté l'usage de ses jambes, John Callahan se rend à des réunions des Alcooliques Anonymes. Soutenu par son parrain Donnie, il cherche un sens à sa nouvelle vie de paraplégique. Pour accepter sa situation, il revient avec dérision sur ce qui a inexorablement modifié le cours de sa vie. Gus Van Sant évoque avec sobriété le tragique destin d'un cartoonist célèbre aux Etats-Unis pour ses dessins à l'ironie aiguisée qui n'épargnent personne, ni lui-même ni les autres. Reparti bredouille du Festival de Berlin, ce biopic au titre issu d'un dessin du caricaturiste («ne vous inquiétez pas, il n'ira pas loin à pied») devrait briller aux Oscars 2019, au moins grâce aux acteurs. Joaquin Phoenix donne toute son humanité à un artiste autodestructeur qui mène un combat quotidien pour résister à ses multiples démons. Jonah Hill, joufflu partenaire de Leonardo di Caprio dans «Le Loup de Wall Street», est méconnaissable avec ses traits affinés. Gus Van Sant nous touche avec un film au classicisme assumé, le présent difficile de la rédemption et de la lente reconstruction se mêlant à la triste évocation d'un passé de buveur compulsif.

 



Pierre Lapin
Attention lapin farceur

Pierre Lapin aime chaparder dans le potager du vieux McGregor, prenant un malin plaisir à lui mener la vie dure. Lorsque le fermier bourru disparaît, il pense faire de son jardin un garde-manger sans fond. Hélas pour lui et ses amis, le jeune Thomas McGregor s'installe dans le but de vendre la demeure. La jolie voisine, bienveillante avec Pierre Lapin et sa famille, pourrait lui faire changer d'avis. Will Gluck transpose, dans un esprit très «Paddington» les aventures de cet animal presque domestique immature et facétieux, imaginé par Beatrix Potter au début du XXème siècle. L'interaction entre animation et prises de vues réelles est parfaite dans ce joyeux divertissement qui pourrait être une comédie musicale à la Disney si les oiseaux chanteurs n'étaient si peu cordialement interrompus. Domhnall Gleeson, vilain général des derniers «Star Wars», est l'ennemi déclaré du lapin doublé en français par Philippe Lacheau («Babysitting»). Rose Byrne est charmante en voisine au talent de peintre limité qui ignore tout de la rivalité inattendue de ses prétendants. Une guerre des nerfs déjantée entre voisins aux actions de plus en plus explosives, pour notre plus grand plaisir.

 

L'Île aux chiens
Les évadés d'Alchientraz

 

Une épidémie frappe la communauté canine. Le maire de Megasaki prend une décision radicale : l'exil de tous les chiens de la ville sur une île poubelle. La première victime de cette quarantaine est le valeureux Spots. Quelques semaines plus tard, son jeune maître Atari vient à sa rescousse. Cinq cabots miteux mais courageux vont l'aider. Après «Fantastic Mister Fox» il s'agit du deuxième long-métrage d'animation pour Wes Anderson et son univers est une nouvelle fois d'une grande richesse narrative et visuelle. Le récit est parfois complexe à apprécier dans toutes ses composantes mais l'odyssée de cette troupe attachante est prenante, menée dans le registre autant du film d'aventures premier degré que de la fable politique. La version française réunit une pléthore de grands noms, de Vincent Lindon à Isabelle Huppert, en passant par Romain Duris, Yvan Attal et Louis Garrel, ainsi que Mathieu Amalric et Léa Seydoux, déjà dirigés par Anderson dans «The Grand Budapest Hotel». Les anglophones apprécieront les timbres de Bill Murray, Tilda Swinton, Scarlett Johansson, Edward Norton et même de Yoko Ono, la veuve de John Lennon. Faites votre choix en connaissance de cause.



Larguées
Au soleil entre filles

 

Rose et Alice sont inquiètes pour leur mère depuis que leur père l'a quittée pour une femme beaucoup plus jeune. Pour lui remonter le moral, elles l'embarquent pour un séjour dans un club de vacances à la Réunion. Loin de l'enchaînement de gags en caméra cachée de «Connasse, princesse des coeurs», la réalisatrice Eloise Lang retrouve Camille Cottin, toujours rock'n'roll, dans une histoire sensible avec des personnages faillibles, humains et attachants. Elle l'associe à une autre Camille, Chamoux, pour jouer deux sœurs aux tempéraments diamétralement opposés, l'une libre dans sa tête, l'autre mère de famille trop responsable. Miou-Miou ne souligne pas les émotions d'une femme déprimée par sa rupture et infantilisée par ses enfants. Elle rappelle par la finesse de son interprétation qu'elle est l'une des plus grandes actrices de sa génération. Dans le rôle de l'amant, Johan Heldenbergh («Alabama Monroe») apporte un romantisme à fleur de peau, loin de son image initiale de tombeur de charme. Une comédie fofolle mais pas trop, finement écrite sur les aléas de l'amour et des relations filiales, heureusement dénuée d'une conclusion trop rassurante sur l'avenir de ce joli trio.

 


 

Sherlock Gnomes
Une enquête nain-croyable

 

Une vague de vols frappe les nains de jardins de Londres. Lorsque Gnoméo et Juliette sont confrontés à la disparition de leur communauté, Sherlock Gnomes et le docteur Watson viennent à leur rescousse. Après Shakespeare, l'équipe de «Gnoméo et Juliette» s'en prend à Conan Doyle et adjoint aux héros du précédent volet le célèbre duo d'enquêteurs. L'humour vient pour beaucoup du caractère pédant et égocentrique du détective, joué avec malice dans la version originale par Johnny Depp. Le personnage, condescendant avec son fidèle second, inspire les auteurs, avec des séquences en noir et blanc pour illustrer ses réflexions et son désintérêt des opinions des autres. L'éternel méchant Moriarty est recréé de façon inattendue. Présent dans la bande son du précédent film, Elton John revient avec des classiques plus ou moins bien utilisés et quelques thèmes inédits. Comme dans «Toy Story», les nains bougent et parlent en secret des humains, ce qui permet la création d'un univers amusant au sein d'un monde qui ignore leurs actions. Moins originale que «Paddington» ou «La Grande Aventure Lego» portés par le même décalage, cette comédie d'animation reste très divertissante.

 

 

 

Pascal LE DUFF